
Notre contribution écrite à l’enquête publique du PLUihmb du Grand Annecy.
Nous sommes les représentants du groupe politique Oui Annecy de la Ville d’Annecy. Notre contribution repose sur la lecture des avis des personnes publiques associées, des débats qui ont animé nos conseils communautaires, de la lecture des contributions et des entretiens auprès d’acteurs associatifs, citoyens et représentants de personnes publiques associées.
Le Grand Annecy ne fera pas l’économie d’un toilettage complet avant de soumettre la version définitive lors du Conseil Communautaire de décembre 2025, tant les erreurs de diagnostic, de chiffres, de traduction cartographique et réglementaire soulignées par l’ensemble des acteurs pourraient rendre son application très difficile et sources de multiples contentieux. Nous pensons que dans une logique d’intérêt général, les habitants de notre territoire ont tout intérêt à ce que ce PLUIHMB rentre en application avant la fin de ce mandat, sans quoi l’objectif ambitieux de réduction d’artificialisation des sols (240 hectares de 2021 à 2040) ne pourrait s’appliquer. Dans ce cas, ce sont les anciens PLUI qui feraient foi et c’est donc un urbanisme galopant dont les habitants du Grand Annecy seraient victimes et une perte significative des espaces naturels et agricoles (plus de 150 hectares en plus).
En tant qu’élus de la Ville d’Annecy nous constatons que la Ville a fait des efforts significatifs en matière de densification et prend à son compte la charge la plus importante en matière de construction de logements. Mais celle-ci n’a pas suffisamment justifié la séquence Eviter – Réduire – Compenser. A quoi bon artificialiser si les communes ne respectent pas les engagements de nombre moyens de logements à l’hectare ? Ce sont des terres agricoles artificialisées en plus ? Ce sont des coûts de foncier plus importants qui grèvent le prix du logement et empêchent les plus précaires de venir ce logement. Densifier en verticalisant, c’est aussi l’opportunité de laisser plus d’espace au sol pour végétaliser, favoriser les cheminements piétons et préparer la vie au dérèglement climatique et aux canicules dont notre bassin de vie sera particulièrement victime d’ici 2040.
Mais comment justifier notre croissance démographique sans tenir compte des enjeux majeurs de l’eau? Avec une réduction des ressources en eau, un débit du Rhône qui va baisser de 40% d’ici 2050, la fonte des glaciers, nous devons une solidarité aval jusqu’à la Méditerranée. Nous ne pouvons plus miser sur la croissance économique sans tenir compte de la disponibilité des ressources en eau. Or l’Agence de l‘Eau a classé le bassin Fier et Lac d’Annecy en vulnérabilité 5/5 sur le plan de la quantité d’eau et 4/5 sur le plan de la qualité des eaux. Nous avons bien évidemment un Lac, qualifié de plus pur d’Europe, qui répond parfaitement aux besoins en eau potable. Mais en tenant compte du Grand Cycle de l’Eau, nous ne pourrons pas rejeter les résidus de stations d’épuration de 30000 habitants en plus d’ici 2030. Nos ouvrages ne sont pas dimensionnés pour cela et nos rivières non plus, sauf à dégrader les zones de fraîcheur, l’état des milieux essentiels à la vie, les rives de nos rivières soumises alors à l’érosion et les risques d’inondation. Des parcelles urbanisables risquent de ne pas pouvoir être raccordées au réseau. Nous devons aller plus loin et faire en sorte que notre croissance démographique soit avant tout dictée par les limites géophysiques de notre territoire. Nous devons d’abord laisser de l’eau aux plantes, aux forêts, à la faune, puis prendre en compte nos besoins en eau potable avant d’identifier les besoins de toutes les activités économiques.
La construction de 1600 logements sur les 34 communes s’accompagne d’un volume de déchets inertes très significatifs. La Haute-Savoie en produit chaque année 5 MT et en reçoit également de la Suisse voisine. Le rythme d’urbanisation envisagé est incompatible avec les exécutoires prévus. Or les déchets inertes sont épandus sur des terres agricoles. Est-ce aux agriculteurs de subir le poids de nos déchets et d’accueillir des terres qui pourraient nuire à la qualité de leurs sols arables ou de leurs prairies ? Nous avons besoin d’une agriculture vivante, diversifiée. A ce titre, nous sommes un des territoires de France les moins autonomes (moins de 1%) en matière d’alimentation et le plan alimentaire territorial n’a pas permis de répondre à cet objectif. D’ici 2040, le changement climatique va probablement amener des mutations profondes dans notre modèle agricole : diversification des troupeaux, réduction des ressources en eau, recherche d’autonomie sur l’approvisionnement en entrants. Nous avons tout intérêt à diversifier notre agriculture, encourager l’agriculture urbaine, le maraîchage et à valoriser le travail engagé par Ceux qui Sèment, avenue des Barattes à Annecy, conserver ce pôle d’agriculture urbaine et adapter la densification urbaine à ce pôle d’agriculture et non l’inverse. Les annéciens y sont particulièrement attachés. La ville a besoin de logement sociaux mais elle a aussi besoin de terres agricoles en ville.
Nous avons également la nécessité de préserver le pastoralisme et de créer les conditions pour faciliter le travail de nos éleveurs. A ce titre, le projet de 2ème luge d’été au Semnoz coupe un alpage et condamne un éleveur à redescendre son troupeau dans la vallée. Ce projet contribue à transformer le Semnoz en parc d’attractions. Cet espace naturel sensible a fait l’objet de nombreuses rencontres d’acteurs dans le cadre du plan de gestion et l’opportunité d’une 2ème luge ne semblait pas recueillir l’adhésion tant sur le plan paysager, que sur le plan d’une activité qui ne correspond pas à l’espace nature qu’il convient de préserver à cet endroit.
Les limites géophysiques de notre territoire et les tensions en matière d’eau interrogent sur la nécessité de créer 15000 emplois supplémentaires d’ici 2030. Nous sommes déjà dans une situation de plein emploi et la tendance à l’atomisation des foyers, le vieillissement de la population nous font douter de la pertinence de cet objectif. Si nous nous devons d’assurer la prospérité de nos filières existantes (filière outdoor, image animée, mécatronique, tourisme), nous ne pouvons plus accueillir tout le monde. Nous devons donc limiter l’extension des zones d’activités économiques et ne pas en créer de nouvelles. L’artificialisation des sols dû à de nouvelles zones d’activités n’est pas pertinente alors que nous avons le devoir de dépolluer d’abord la friche des forges de Cran dont les polluants des sols et des nappes polluent en continu notre environnement.
Un salarié du privé en plus, c’est un salarié du service public en plus pour la police, la justice, la santé, l’enseignement, pour tous les services publics qui nous permettent de faire société. Si nous continuons notre logique de croissance économique, cela ne fera qu’accélérer les problèmes de spéculation immobilière, de difficultés de logements, de développements de nouvelles infrastructures publiques avec des coûts de fonctionnement en plus. Et comme les recettes financières des collectivités ne sont pas extensibles, cette fuite avant ne fera que dégrader la qualité des services publics existants.
Dans les zones d’activités , les projets de construction doivent prévoir des parkings en sous-sol, pour éviter l’étalement en surface. Pour les projets d’extension et de construction, la verticalisation des bâtiments industriels et tertiaires doit être généralisée.
Notre prospérité n’est pas synonyme de croissance infinie. Nous ne pouvons plus accueillir tous les frontaliers, et nos parlementaires et nos élus devront se mobiliser pour limiter l’attractivité du travail frontalier. (augmentation des fonds frontaliers, fiscalité, … ?).
Cet objectif semble d’autant plus vain que les infrastructures de mobilité prévues dans ce PLUIHMB semblent inadaptées, à l’inverse des enjeux de pollution et de dérèglement climatique, le transport routier. Si le POAM (programme d’orientations et d’actions mobilité) prévoit (page 29) une réduction de la part du transport motorisé individuel de 65 à 53% de part modale, cet objectif est bien insuffisant pour diminuer la place de la voiture en ville. La part des transports en commun de 6,5 à 10% est bien insuffisante au regard des investissements engagés ( près d’1 Milliard€ pour le TCSPI) ; ce d’autant que le POAM devrait acter le retrait de la Région Auvergne Rhône-Alpes en matière de transport ferroviaire. Annecy se retrouve en queue de réseau sur le projet de SERM (service express régional métropolitain) franco-genevois. Comme le souligne l’avis de la MRAE (mission régionale d’autorité environnementale), le projet de RER métropolitain Rumilly-Groisy a été abandonné par l’Etat. Ce recul en matière d’infrastructures ferroviaires constitue un écueil important pour l’attractivité économique de notre bassin de vie, face à des concurrentes comme le bassin genevois ou l’axe Chambéry-Aix les Bains qui sont reliées plus rapidement à Lyon-Grenoble et Paris. Alors que l’axe autoroutier Chambéry-Annecy est saturé, le Grand Annecy doit impérativement apporter des garanties sur la modernisation de l’axe ferroviaire entre Annecy et Aix-les-Bains, sans quoi l’axe mobilité du PLUIHMB ne sera pas compatible avec les perspectives de croissance démographique et économique.
Si nous voulons conserver la qualité de vie à proximité des montagnes et du lac, si nous voulons préserver le vivre ensemble et limiter la croissance des inégalités territoriales entre quartiers populaires, périphéries, campagne, ville centre, nous devons prendre en compte les réserves formulées et se donner toutes les chances d’avoir un document d’urbanisme adapté aux besoins essentiels de ceux qui vivent déjà là, ou revoir nos objectifs de croissance démographique à la baisse.