
articlé rédigé par Karine P.
La santé : un fil conducteur à ne pas lâcher dans nos politiques publiques.
Dans le projet que nous portons depuis 2020, la santé est au cœur de nos préoccupations. C’est donc dans ce cadre que j’ai porté une délibération lors du conseil municipal du lundi 18 novembre, pour voter l’adhésion de la ville d’Annecy au Consensus de Copenhague et à la stratégie 2020/2030 des villes santé de l’OMS. Cette démarche aurait dû faire l’unanimité, tant elle participe à la qualité de vie de nos habitants, jeunes et moins jeunes, populations aisées ou plus précaires, et ce pour un coût dérisoire ( qui plus est, déjà voté en janvier) dans les dépenses de fonctionnement de la ville. Mais force est de constater que tous les élus ne partagent pas cette ambition. Les explications ci-dessous devraient, je l’espère, leur permettre de mieux comprendre nos parti-pris pour bien vivre et bien vieillir en bonne santé à Annecy.
Penser santé à long terme et global
La stratégie 2020/2030 des villes santé de l’OMS (organisation mondiale de la santé) à laquelle la Ville a adhéré et le consensus de Copenhague qui prévaut, engage à une démarche globale qui infuse toutes les politiques publiques et contribue à porter ses fruits, au-delà de notre mandat actuel. A titre d’exemple, notre démarche prospective Annecy 2050 permettra à tous les annéciens de limiter les impacts sur la santé du dérèglement climatique et des canicules. Cette démarche se prépare dès maintenant pour permettre aux habitants de rester en bonne santé le plus longtemps possible.
Les investissements et aménagements qui vont en ce sens ne sont pas toujours acceptés car vécus comme contraignants. J’ai été interpellée pendant le conseil municipal sur l’impact sur la santé du plan de circulation. J’ai répondu que son effet n’est pas à considérer dès sa mise en place mais qu’avec le temps, le but est de réduire en particulier la pollution qui a un impact sur la santé. J’aurais pu répondre que le principe de plaisir renvoie à la recherche de satisfaction immédiate d’un besoin, tandis que le principe de réalité rend compte de la manière dont les individus apprennent à considérer les conséquences de leurs actes. C’est ainsi que naît le désir, à travers la frustration. Devons-nous mener des politiques pour notre confort actuel sans se préoccuper des conséquences ou devons-nous supporter quelques frustrations en vue de bénéfices ultérieurs pour un futur désirable et vivable?
Certains préfèrent prôner le bien-être immédiat quelles qu’en soient les conséquences dans les années à venir pour les habitants, pour les générations futures et pour la planète. Nous pensons au contraire que les questions économiques court terme ne peuvent dominer si elles risquent de porter atteinte à la santé. Nous adhérons au concept de One Health qui considère la santé dans sa globalité, comme une interaction entre la santé des hommes, des animaux et de l’environnement. La majorité municipale a donc tranché et continuera à ne pas négliger les impacts à moyen et long terme de nos décisions d’aujourd’hui.
Les élus de la minorité n’ont pas voulu voter cet engagement.
Agir sur les déterminants de la santé
Le consensus de Copenhague s’intéresse aux déterminants de la santé. Il prône d’agir sur ces déterminants pour faire une prévention la plus efficace pour le plus grand nombre. Les grands déterminants de santé sont sociaux, environnementaux mais aussi la pratique de l’activité physique, l’accès à la culture, à l’éducation et la citoyenneté.
Faire de la prévention en informant des risques et facteurs sur lesquels les individus peuvent agir pour eux-mêmes est important : conduites addictives, alimentation, sommeil, sédentarité, perturbateurs endocriniens, maladies sexuellement transmissibles. La destigmatisation est également indispensable, par exemple en matière de santé mentale, mais aussi de bien vieillir. C’est le travail de la mission santé de la ville en lien avec la délégation santé dont je suis en charge. Mais pour que ces actions aient une portée, il est nécessaire d’agir en amont, et d’agir directement et particulièrement sur les inégalités sociales (politique tarifaire, chèques loisirs, accompagnement par le CCAS, logements sociaux, etc.) et sur la santé de l’environnement (végétalisation, plan de circulation, mobilités actives, etc;). Les villes santé de l’OMS mènent donc des actions de prévention ciblées et s’engagent aussi à agir sur ces déterminants.
Les élus de l’opposition ne partagent-ils pas cette conception ? En refusant de voter cette délibération, ils ne se sont pas engagés à réduire les inégalités sociales et à agir pour l’environnement.
Porter la question de la santé mentale haut et fort
La semaine dernière, j’ai assisté au colloque «Villes et santé mentale» qui s’est déroulé à Lausanne. Il a été fait référence à ce consensus à plusieurs reprises. Les liens entre politiques de végétalisation et santé mentale ont été présentés par divers scientifiques, s’appuyant sur des données objectives (analyses de sang et électroencéphalogrammes).
Ceci nous montre que de nombreuses politiques publiques interfèrent sur la santé des habitants et elles sont à prendre en considération dans un contexte où les villes vont inévitablement se densifier. Comment limiter et réduire les pathologies mentales quand on sait que l’on a plus de risque de développer une pathologie mentale en ville qu’à la campagne. Comment réduire les stimulis qui engendrent trop de stress ? Les questions d’urbanisme sont très présentes mais aussi de citoyenneté car “l’empowerment”, le développement de son “pouvoir d’agir” est l’une des clés pour se maintenir en bonne santé mentale en ville. C’est bien le travail transversal que nous menons à Annecy, à travers les appels à manifestation d’intérêt, appels à projet et budgets participatifs mais aussi le Conseil Local de Santé Mentale mis en place en 2022. Les formations aux premiers secours en santé mentale des animateurs jeunesse ainsi que de nombreux acteurs associatifs est l’une de ses concrétisations. La ville, par son CLSM, apporte un cadre aux différents acteurs concernés par la santé mentale, cadre leur permettant de mieux se connaître, se coordonner, voire imaginer des projets communs. Alors que la grande cause nationale annoncée par le gouvernement est la santé mentale, j’ai l’honneur de représenter l’association des maires de France au comité d’orientation stratégique du centre de ressources et d’appui pour les conseils locaux de santé mentale. Être élu local c’est donc aussi porter des sujets au-delà du niveau local. En 2022, j’ai signé l’appel de Nantes pour l’AMF avec les représentants des autres associations d’élus. Nous demandions, entre autres, des conseils locaux de santé mentale dans toutes les villes. Le premier ministre a annoncé récemment que ce serait son ambition. Mon implication dans ce comité d’orientation stratégique est donc de permettre la facilitation et l’harmonisation de ces créations. C’est aussi de continuer ce plaidoyer pour que le gouvernement donne les moyens à ces CLSM de fonctionner.
Renforcer la santé de nos jeunes
En matière de santé mentale, le colloque de l’union régionale des CCAS (centres communaux d’actions sociale) du 13 novembre portait sur la santé mentale. Je suis intervenue dans une table ronde sur l’action des villes sur la santé mentale des jeunes. Ce fût l’occasion de partager les actions menées par la ville d’Annecy, en faveur de la santé mentale des jeunes. En effet, créer un environnement favorable à la bonne santé mentale des jeunes c’est déjà leur permettre d’être autonomes à travers des transports en commun, des lieux de distraction, de la végétation, un accès à la culture, au sport. C’est aussi leur permettre de se projeter dans l’avenir en mettant en place des appels à projet par exemple. Cette prévention de fond s’articule avec les aides que les villes peuvent apporter aux structures de soin et d’accompagnement de la jeunesse ainsi que les actions communes et partenariales qu’elles mènent ensemble. Les actions spécifiques de prévention s’ajoutent à tout ceci.
Partager nos expériences et valoriser la Ville d’Annecy
Pourquoi la ville d’Annecy adhère-t-elle à des réseaux et des associations ? On peut aussi se poser la question : pourquoi d’ailleurs n’y a-t-elle pas adhéré avant ? Pourquoi se passer de l’expérience des autres villes qui sont parfois plus en avance que nous? Pourquoi ne pas partager nos actions, nos expériences, voire nos innovations avec d’autres villes ? Adhérer à ce type de réseau, c’est aussi participer à des groupes pour travailler de manière collective et collaborative sur des problématiques, pour nos habitants.
Ma participation à ces événements ne fait que renforcer l’intérêt que je porte à ces réseaux et à l’échange avec les autres élus et divers spécialistes. Manifestement, en refusant de voter l’adhésion de la ville d’Annecy à la stratégie 2020/2030 des villes santé de l’OMS, argumentant que notre ville adhérait à trop d’associations, certains élus ne comprennent pas qu’agir pour la ville implique parfois d’en sortir, de s’intéresser à ce qu’il se passe ailleurs et de s’associer pour porter des messages.
Karine Bui-Xuan Picchedda.